Quelques heures à … Auschwitz et à Birkenau

Je n’ai pas envie de parler d’expérience, même si s’en était une.

Réussir a poser des mots pour conter cette tranche de vie est pour moi un exercice compliqué parce que ce qui s’est passé là bas, n’est pas descriptible.

Je n’ai pas envie de dire que ceux qui n’ont jamais foulé ce sol ne pourraient pas comprendre, mais c’est pourtant une réalité.

Il s’agit d’un instant où tous les sens sont en éveil. C’est une parenthèse dans un voyage où l’imaginaire n’a plus de place, la réalité est bien trop présente en ces terres pour ne serais ce que réussir à avoir des images en tête autres que celles qui sont entrain de se dérouler devant nous. L’émotion est si paradoxale qu’elle en devient gênante. Il est difficile d’accepter ce que l’on peut ressentir face à tout ça. Un mélange de culpabilité qui n’a pas lieu d’être, d’incompréhension qui pourtant a été mainte et mainte fois théorisée, de stupeur qui avait pourtant été anticipée, de dégout qui visuellement n’est pas justifié, de terreur qui pourrait se reproduire, de fascination qui est déclenchée par la réalité brutale qui s’offre à toi. Ce qui est encore plus étrange c’est la beauté et la sérénité qui semble régner sur ces lieux.

On s’attendrait a découvrir le vrai sens du chaos. C’est tout l’inverse. Ce qui finalement est assez en accord avec ce que l’on sait de l’histoire. L’ordre, l’organisation et même une certaine harmonie se dégage de ce passé accablant. Les bâtiments transpirent la discipline et la rigueur, le sol émet un bruit saccadé et rythmé, les arbres amènent la touche de normalité, la structure dans l’espace fait frissonner par sa régularité. Mais cette apparente tranquillité côtoie le barbelé, le gravier, les murs griffés, les tours de guets, les couloirs étroits, les escaliers limés, les 7 tonnes de cheveux, les valises déchiquetées et la chambre à gaz.

La horde de touriste dénature ce lieu. En voilà un autre de paradoxe. Dénaturer ce couloir de la mort… L’honorer en tant que patrimoine historique, le conserver comme symbole du passé, le musétiser pour tenter d’expliquer, le photographier pour l’immortaliser à jamais… Ce lieu de toutes les horreurs reste chargé de ces passages, doit être vu pour réaliser, doit être respecté pour ce qu’il a été, mais ne devrait pas être monétisé.

Finalement ce qui a été le plus violent pour moi, n’a pas été ce a quoi je m’attendais.

Nous avons été obligées de prendre une « visite guidée » pour parcourir ces deux lieux. Et quelle horreur ! Révoltant ! Absolument accablant ! Complétement incommodant, insupportable et insolent !

Munies de casque audio, nous devions suivre un groupe d’une trentaine de personne accompagné par un guide qui papotait l’histoire dans son micro retransmis directement dans nos oreilles. Bravo pour l’interaction humaine. Nous sommes ensuite amené de bâtiments en bâtiments, de pièce en pièce, dans une nonchalance déconcertante, telle une visite au musée grévin. Bravo pour le respect de l’histoire. Les pièces nous sons présentées les unes après les autres accompagnées de quelques explications, sans se soucier de l’émotion ressentie par le visiteur, sans redonner son poids au lieux parcouru, sans donner de rythme à l’instant. Bravo l’empathie. Visite chronométrée, à 5minutes prés, expédiée et bâclée ! Qui se solde par un « merci de votre attention, à votre droite en sortant vous trouverez la boutique souvenir, snack et rafraichissement! » Bravo la délicatesse.

Mais qu’importe, on occulte cette visite ratée, on se concentre sur l’instant. Les larmes coulent, les frissons se font sentir, le besoin de s’isoler, de respirer, de ressentir, de s’immerger.

Assez parler, parfois les photos parlent mieux que les mots.

 

Photo & Texte © KanCKonYva

 

31 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. emybee dit :

    Lire ton récit et le mien à quelques heures d’intervalles et y trouver le même sentiment…mais aussi des différences sur la visite. Tu n’as manifestement pas eu la chance d’avoir un guide à la hauteur comme ce fut mon cas. Je ne suis pas choquée que les visites soient obligatoirement guidées (vu le comportement des gens, je me dis heureusement que c’est encadré et expliqué!) mais la masse des touristes m’a gênée, beaucoup trop de monde. J’avais vraiment une guide formidable qui a su expliquer gravement les choses et qui était passionnée.

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    1. KanCKonYVa dit :

      Quelle chance d’avoir vraiment pu etre accompagné a travers ce moment tragique d’histoire. Contrairement a nous qui avons eté baladés.. mais qu’importe cet instant fut memorable et d’une intensité hors norme

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  2. Agatheb2k dit :

    C’est une visite que je n’ai pas faite, trop douloureux… j’ai été il y a bien longtemps au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem… et j’avais lâché le groupe dès la première salle pour aller voir les arbres bien vivants du jardin.

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    1. KanCKonYVa dit :

      Ces lieux sont tellement chargés en histoire, en énergie, en émotions… Je comprends la douleur apparaisse !
      Y aller n’est pas une fin en soi, il suffit de considérer ces tranches d’histoire, de ne pas oublier. Pour faire la visite il y a des docu, des photos et des blogs ^^
      merci de ta visite

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      1. Agatheb2k dit :

        Pas de risque que j’oublie, ce lieu était aussi la gare de triage des jeunes polonais raflés dans les rues que l’on expédiait au travail obligatoire en Allemagne, des membres de ma famille sont passés sous ses grilles. 😦

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        1. KanCKonYVa dit :

          Quel douloureuse histoire 😦
          merci de partager ca ici, trés émouvant

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  3. Faire a démarche de se rendre dans ce lieu est autre chose qu’une aventure. C’est pérenniser le recueillement devant l’indicible horreur et la dénonciation maléfique historique de certains humains.

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    1. KanCKonYVa dit :

      Absolument d’accord avec toi

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    1. KanCKonYVa dit :

      Merci de l’interet porté a cet article

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  4. Grand Bâton dit :

    J’ai ressenti à peu près la même chose en visitant ce lieu, un peu déçu de l’aspect « visite guidée », d’autant que nous avons été « accueilli » très froidement car, s’étant trompé de fréquence pour l’audioguide, nous avons suivi le mauvais groupe, et cela n’a pas du tout plu aux touristes du groupe… merci la tolérance…
    Ca n’enlève rien à l’histoire et à l’ambiance pesante du lieu.
    Pour Birkenau nous avons déambulé seuls dans le camps, l’ambiance est différente mais tout aussi pesante. Les deux sont impressionnants.

    bel article et belles photos

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    1. KanCKonYVa dit :

      Aaaah tu as aussi eu droit a une visite carrement glaciale !
      Pour birkenau aussi nous nous sommzs detachées du groupe, mais j’avais demandé plus de temps au guide pour deambuler sans etre presseé et soyons honnete 1h pour birkenau c’est juste une honte ! Le gars me regarde et me dit « ah ?! Vous avez besoin de plus de temps ? 10minutes ca ira ? Comme ca les autres iront aux toilettes en attendant ! » Ma pote m’a prise par le bras et m’a fait avancer sinon je n’aurais pas pu m’empecher de lui repondre a ce monsieur ^^
      Mais malgré cette experience desobligeante, ces instants en ces lieux restent quelque chose d’incroyable…
      Merci pour ton retour d’experience et pour ce message,
      Au plaisir de continuer a partager tout ca 🙂

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      1. Grand Bâton dit :

        Ah pour Birkenau nous avons pris la navette de nous mêmes, du coup pas de contrainte de temps 😉

        Pour l’accueil, ce qui m’a le plus choqué en fait c’est la réaction des visiteurs du groupe… comme s’ils etaient plus impliqués que nous (peut-être) et du coup que nous n’étions pas légitimes alors qu’eux si… étrange…

        Au plaisir également 🙂

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  5. KanCKonYVa dit :

    J’ai ressenti ca aussi quand j’ai abandonné le troupeau pour vivre ma propre histoire là bas, j’étais pointée du doigt et suivi du regard par tout le monde c’était fatiguant ! Mais mon coté impertinente était contenté ! haha

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    1. KanCKonYVa dit :

      Merci d’avoir porté de l’interet a cet article 🙂

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  6. Une femme dit :

    Beaucoup de frissons en lisant ton écrit !

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    1. KanCKonYVa dit :

      Beaucoup de frissons en parcourant ce lieu !
      Je suis contente d’avoir pu faire passer un peu de cette émotion en ces mots afin de pouvoir partager cet instant au mieux avec vous. Merci pour ce retour

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  7. Je n’ai pas eu l’occasion d’y aller mais c’est vrai qu’une certaine appréhension me gagne rien qu’à l’idée que cela soit possible. Je pense tout de même qu’il est important de se rendre dans de tels endroits pour palper l’atmosphère d’une ére, pas si lointaine, qui a fait couler tant de sang et de larmes…

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    1. KanCKonYVa dit :

      Je partage cet avis 🙂

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  8. CultURIEUSE dit :

    Après « Illska », puis « Confiteor », je termine à l’instant le livre de Matthiessen « Au paradis », dont l’action contemporaine se déroule dans ce camp. J’ai pensé que je devais voir ce terrible endroit un jour. Merci d’avoir partagé vos impressions…

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    1. KanCKonYVa dit :

      Aaah je ne connaissais pas ces livres, merci de partager ca, je sens que je vais m’en offrir un ou deux ^^
      Je vous conseille d’y aller un jour, ce que l’on ressent sur place est incroyable…

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      1. CultURIEUSE dit :

        Les 2 premiers sont des pavés…j’espère que ça ne vous fait pas peur! Le Matthiessen m’a moins plu par son écriture, mais le thème est intéressant.

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  9. Pourtant… Babines retroussées et montrant leurs dents avides de sang, d’autres fourbissent leurs armes. Ne nous y trompons pas, car tout se met (tranquillement) en place pour que se rejoue la même tragédie. Les nationalismes s’exacerbent ; le racisme trivial se fait quotidien ; les Poutine, Erdogan, Trump, al Assad et consorts posent la haine en tant que valeur suprême tandis que nous fermons les yeux et d’avance battons notre coulpe pour être pardonnés de nos lâchetés.

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    1. KanCKonYVa dit :

      Je ne sais pas si nous fermons reellement les yeux sur tout ca. J’aime a penser que les petits riens que nous faisons tous tous les jours font quelque part avancer le schmilblick d’une facon ou d’une autre. Notre engagement au quotidien dans de petits gestes, dans de petits mots peuvent avoir un impact sur après, un après qui n’annonce effectivement rien de très glorieux… mais aujourdhui dotée d’une humeur très optimiste, je me dis que rien n’est arreté et tout peut encore aller mieux … meme si comme nos amis barclays disaient « non, non, rien a changé »…

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  10. C’est vrai : rien n’est jamais joué, et jusqu’à preuve du contraire l’humanité existe encore. Cependant sa pérennité étant fonction de la pérennité des autres espèces vivantes, autant préparer trousses d’urgence, appareils de réanimation, grigris et prières. Plus pas mal de foi et de sueur. Alors peut-être que…

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    1. KanCKonYVa dit :

      L’humanité ! J’y crois tellement à cette force collective et à cet amour sans fin pour la vie ! 🙂

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  11. Photos très fortes qui font ressentir l’atrocité qui régnait dans ces lieux. Merci pour votre témoignage. Christiane

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    1. KanCKonYVa dit :

      Merci Christiane pour retour,
      Je me suis en effet appliquée en prenant les photos pour qu’elles essaient de refleter l’atmosphere si particuliere de ces lieux, difficile exercice et contente que vous ayez pu vous en impregner un petit peu

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  12. chakzls dit :

    Je passe sur ton blog car tu as commencé à suivre le mien 😉 curiosité quand tu nous tiens….Et je lis l’article qui est je pense le moins réjouissant de ton site. Néanmoins, je trouve ça pas forcément une mauvaise chose d’avoir un guide pour ce type de visite. Et je pense un choix aussi de ne pas tomber dans le pathos et de délivrer des informations froidement. Personnellement, j’imagine que c’est déjà compliqué pour les visiteurs, comme tu le dis le lieu parle de lui même et les gens y vont essentiellement pour accomplir leur devoir de mémoire, de commémoration je sais pas trop quel terme employer…. Tes photos me dérangent car dans un sens elles « esthétises » cet endroit. Après je pense que c’est un ressenti personnel. Dans un sens, c’est toute l’ambiguïté qui flotte autour de la photographie non ?….

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    1. KanCKonYVa dit :

      En effet tu commences par l’article le moins réjouissant, mais ça ne peut aller qu’en s’égayant comme ça 😉
      Toute l’ambiguïté de la photo en effet, et pour le coup l’ambiguïté est inversée. Si tu trouves qu’elles « esthétises » le lieu, tu serais surprise de voir a quel point elles sont en réalité loin de l’esthétique du lieu lui même. Je cherchais par ces photos a faire ressortir une ambiance et a justement masquer cette beauté beaucoup trop dérangeante qu’émane ce lieu…. Paradoxe de l’histoire peut être…
      Je te rejoins sur le fait qu’un guide ne soit pas une mauvaise chose en soit, mais je ne suis pas forcément pour l’imposer, et je suis par contre sensiblement contre ce détachement presque irrespectueux dont faisait preuve le notre, comme j’aurais tout aussi détester un guide pathos. Mais je ne généralise pas, je suis certaine que les autres ne sont pas ainsi, et d’après les retours d’expériences d’autres personnes, ils ont eu plutôt de belles visites donc c’est tant mieux.
      Ravie que nous suivions nos histoires respectives, une très belle fin d’année a toi

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